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conserver comme monnaie de compte, ce qui était le cas pour Amsterdam, Hambourg et d’autres villes. Lorsqu’on frappe dans un pays une monnaie dépréciée, la monnaie de compte peut, soit changer avec elle, soit être maintenue ; c’est même un problème extrêmement obscur, pour ne pas dire insoluble, de décider si, a certaines époques de l’histoire d’Angleterre, les prix étaient exprimés en monnaies nouvelles d’une valeur inférieure, ou en bonnes et anciennes monnaies. Le professeur J. E. T. Rogers, dans son admirable « Histoire de l’agriculture et des prix en Angleterre », a montré qu’au quatorzième siècle, bien que les monnaies fussent en apparence comptées, elles étaient souvent reçues au poids. Dans les anciens comptes de collèges qu’il a examinés, il trouve en même temps, à l’article des dépenses, des frais marqués pour l’achat de balances destinées aux pesées et pour le défaut de poids des monnaies.

Dans beaucoup de pays, même aujourd’hui, le numéraire en circulation ne consiste pas en une série simple et bien liée de monnaies, mais dans un mélange de pièces de dimensions et de valeurs diverses, importées de l’étranger. En pareil cas, la monnaie de compte doit nécessairement être en désaccord avec la masse des espèces courantes, dont la valeur est fixée d’ordinaire par un tarif exprimé en termes de la monnaie de compte. Dans les états allemands, il y a quelques années, l’or anglais et français circulait librement de cette manière. Au Canada, une confusion singulière règne dans les systèmes monétaires. Comme il n’y a pas de monnaie nationale, le numéraire consiste en espèces étrangères fort diverses, qui sont surtout des variétés du dollar. L’unité monétaire est un dollar, qui est reçu pour cinquante pence anglais ; mais il est représenté par des billets, et non par une pièce quelconque, En même temps il y a deux monnaies de compte différentes : d’abord la Livre d’Halifax, partagée en vingt shellings, de vingt pence chacun, et dont la valeur est déterminée par le fait que soixante de ces pence égalent un dollar ; puis, le sterling d’Halifax, qui maintient, pour le calcul des prix dans le commerce avec l’étranger, l’ancien taux du dollar à 4 shellings 6 pence.