Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 1, éd. Marty-Laveaux, 1868.djvu/198

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tive,
Qui n’aura pas plustost le don de liberté,
Que cest esprit ne soit par ton dard écarté ?
Haste doncq, haste toy, vanter tu te pourras
Que mesme sus Cesar une despouille auras :
Ne permets point, alors que Phebus qui nous luit
En devallant sera chez son oncle conduit,
Que ta sœur pitoyable, helas ! à nous cruelle,
Tire encore le fil dont elle nous bourrelle :
Ne permets que des peurs la pallissante bande
Empesche ce jourdhuy de te faire une offrande.
L’occasion est seure, et nul à ce courage
Ce jour nuire ne peult, qu’on ne te face hommage.
Cesar cuide pour vray que ja nous soyons prestes
D’aller, et de donner tesmoignage des questes.

CLEOPATRE.
Mourons donc, cheres soeurs, ayons plustost ce coeur
De servir à Pluton qu’à Cesar, mon vainqueur :
Mais, avant de mourir, faire il nous conviendra
Les obseques d’Antoine, et puis mourir faudra.
Je l’ay tantost mandé à Cesar, qui veult bien
Que Monseigneur j’honore, helas ! et l’ami mien.
Abaisse toy donc, ciel, et avant que je meure,
Viens voir le dernier dueil qu’il faut faire à ceste heure ;
Peut estre tu seras marry de m’estre tel,
Te faschant de mon dueil estrangement mortel.
Allons donc, cheres sœurs ; de pleurs, de cris, de larmes,
Venons nous affoiblir, à fin qu’en ses alarmes
Nostre voisine mort nous soit ores moins dure,
Quand aurons demi fait aux esprits ouverture.

LE CHŒUR.
Mais où va, dites moy, dites moy, damoyselles,
Où va ma Roine ainsi ? quelles plaintes mortelles,
Quel soucy meurdrissant ont terni son beau teint ?
Ne l’avoit pas assez la seiche fiebvre atteint ?

CHARMIUM.