Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/178

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rellement des désirs différents sur presque toutes les questions d’intérieur, si elles ne sont pas réprimées par l’affection ou le devoir. Les deux conjoints voudront peut-être fréquenter ou recevoir des sociétés différentes. Chacun recherchera les personnes qui partagent ses goûts : les personnes agréables à l’un seront indifférentes ou positivement désagréables à l’autre ; il ne se peut pourtant pas que les deux époux n’aient les mêmes relations ; ils ne peuvent vivre dans des parties séparées de la même maison, ni recevoir chacun des visiteurs différents, comme au temps de Louis XV. Ils ne peuvent pas s’empêcher d’avoir des désirs différents sur l’éducation des enfants ; chacun tiendra à voir ses enfants reproduire ses propres sentiments ; il se fera peut-être un compromis, où chacun d’eux se contentera d’une demi-satisfaction, ou bien la femme cédera, souvent avec une vive souffrance, soit qu’elle renonce, soit qu’elle persiste à contrarier sous-main l’œuvre de son mari.

Il y aurait sans doute une folie extrême à croire que ces différences de sentiments et d’inclination n’existent que parce que les femmes sont élevées autrement que les hommes, et que, sous d’autres circonstances qu’on pourrait imaginer, il n’y aurait pas de différence dans les goûts et les sentiments. Mais on ne dépasse pas les bornes de la raison en disant