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mémoire sur l’atlantide.

« Dans le temple de Neptune, il y avait dix taureaux laissés en liberté dans l’enceinte. Chaque roi, en son particulier, faisait vœu de prendre, sans employer le fer, un de ces taureaux et de l’offrir en victime au Dieu du temple ; ainsi, il ne se servait que de pieux et de lacets. Dès qu’il avait pris son taureau, il l’amenait vers la colonne et l’immolait aussitôt sur le faîte où étaient gravés les préceptes régulateurs de la nation. Outre ces préceptes, on y voyait aussi gravée une espèce d’anathème et des imprécations terribles contre les prévaricateurs. Quand s’étant acquittés de toutes les cérémonies du sacrifice, les rois se disposaient à faire passer par le feu les membres de chaque taureau, ils remplissaient de sang une coupe et faisaient une libation d’une goutte de sang pour chacun d’entre eux : ils arrosaient la colonne de ce sang et faisaient brûler la victime. Après cela, ils puisaient dans la coupe le reste de ce sang avec de petits vases d’or et en arrosaient le feu, et en même temps faisaient un serment solennel de juger toujours suivant les lois gravées sur la colonne et de punir ceux qui les auraient violées. En outre, ils juraient de ne jamais, de leur plein gré, transgresser les règles qui leur étaient imposées. Ils juraient aussi de ne commander jamais rien qui ne fût conforme aux préceptes de leur père commun Neptune et de n’obéir jamais à celui qui leur commanderait quelque chose contraire.

« Après avoir fait ce serment solennel en leur nom et en celui de leurs descendants, ils buvaient le reste du sang, et consacraient le vase d’or à Neptune[1] : ils se retiraient ensuite

  1. Ce serment est sans doute chez Platon une réminiscence du serment des sept chefs thébains, rapporté par Eschyle, et que Boileau a traduit dans ces beaux vers :
    « Sur un bouclier noir, sept chefs impitoyables
    « Épouvantent les Dieux de serments effroyables :
    « Près d’un taureau mourant qu’ils viennent d’égorger,
    « Tous, la main dans le sang, jurent de se venger :
    « Ils en jurent la Peur, le dieu Mars et Bellone. »
    Traité du Sublime, ch. XIII.