Page:Joly - Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 130 —

billevesée de journaliste. Les délits de presse ont un caractère tellement élastique, l’écrivain peut déguiser ses attaques sous des formes si variées et si subtiles, qu’il n’est même pas possible de déférer aux tribunaux la connaissance de ces délits. Les tribunaux resteront toujours armés, cela va sans dire, mais l’arme répressive de tous les jours doit être aux mains de l’administration.

Montesquieu

Il y aura donc des délits qui ne seront pas justiciables des tribunaux, ou plutôt vous frapperez donc de deux mains : de la main de la justice et de celle de l’administration ?

Machiavel

Le grand mal ! Voilà bien de la sollicitude pour quelques mauvais et méchants journalistes qui font état de tout attaquer, de tout dénigrer ; qui se comportent avec les gouvernements comme ces bandits que les voyageurs rencontrent l’escopette au poing sur leur route. Ils se mettent constamment hors la loi ; quand bien même on les y mettrait un peu !

Montesquieu

C’est donc sur eux seuls que vont tomber vos rigueurs ?

Machiavel

Je ne puis pas m’engager à cela, car ces gens-là sont comme les têtes de l’hydre de Lerne ; quand on en coupe dix, il en repousse cinquante.