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Machiavel.

Si le sage Montesquieu entend mettre du sentiment à la place de la politique, je dois peut-être m’arrêter ici ; je n’ai pas prétendu me placer sur le terrain de la morale. Vous m’avez défié d’arrêter le mouvement dans vos sociétés sans cesse tourmentées par l’esprit d’anarchie et de révolte. Voulez-vous me laisser dire comment je résoudrais le problème ? Vous pouvez mettre à l’abri vos scrupules en acceptant cette thèse comme une question de curiosité pure.

Montesquieu.

Soit.

Machiavel.

Je conçois d’ailleurs que vous me demandiez des indications plus précises, j’y arriverai ; mais laissez-moi vous dire d’abord à quelles conditions essentielles le prince peut espérer aujourd’hui de consolider son pouvoir. Il devra s’attacher avant tout à détruire les partis, à dissoudre les forces collectives partout où elles existent, à paralyser dans toutes ses manifestations l’initiative individuelle ; ensuite le niveau des caractères descendra de lui-même, et tous les bras molliront bientôt contre la servitude. Le pouvoir absolu ne sera plus un accident, il deviendra un besoin. Ces préceptes politiques ne sont pas entièrement nouveaux, mais, comme je vous le disais, ce sont les procédés qui doivent l’être. Un grand nombre