Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/134

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abandonnant tout leur passé, venaient se marier dans le village et se confondre dans son unité territoriale, familière et, pour ainsi dire, politique. Aussi le commerce cessa-t-il, et il n’y eut plus, à l’exception dos foires au-delà des frontières ou de ces assemblées sur telle montagne entre plusieurs territoires, où on venail marier les jeunes filles (târgul de fete), que le troc des rares objets qui formaient le superflu d’une vie économique basée sur le seul travail domestique.

Si la vie rustique vient des Thraces, Rome avait infiltré dans l’âme des Thraco-Illyriens cette notion nécessaire, indispensable, de l’empereur, qui se rencontre aussi bien chez les Roumains que chez les Albanais. On a vu qu’elle empêcha au moyen âge ces aventures royales et impériales qui coûtèrent aux Bulgares et aux Serbes le meilleure leur sang, les jetant dans des luttes incessantes dont le but devait être la couronne des Césars d’Orient ou celle de leurs concurrents d’Occident. Cette notion d’un seul droit politique, nécessairement légitime dans le sens traditionnel, permit aux Roumains de conserver l’idée d’État dans la forme modeste du Voévodat paysan, pour qu’elle pût se développer aussitôt, abandonnant cette aire rurale des Carpa-thes, au premier concours favorable de circonstances.

Influences byzantines et slavo-byzantines.— Bien avant la première influence féconde de l’Occident, qui ne pouvait s’exercer que par un contact avec le monde colonisateur des Saxons de Transylvanie, au XIIe et au XIIIe siècle ou par le monde marchand des Italiens, donc à l’époque de l’activité des Génois et des Vénitiens dans la Mer Noire, au XIIIe et au XIVe, une puissante influence, venant du Sud, féconda cette semence primitive de civilisation thraco-romaine, qui contenait des germes capables d’un développement supérieur.