Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/145

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dernier prince, le renégat Elle, avaient fait au moins une partie de leur éducation au milieu de ce monde mêlé de Vizirs, de Pachas, de begs, d’agas, d’interprètes et d’intrigants, des « moutéfariacas », jeunes chrétiens qui étaient entrés dans la clientèle du Sultan, de janissaires étroitement enfermés encore dans leur caste guerrière, et de spahis, surtout de spahis oglans, déployant le faste de leurs richesses féodales. On y parlait, du reste, le grec et le serbe aussi bien que le turc des conquérants. Ces princes en rapportèrent, avec un penchant pour la religion de l’Islam, dont l’adoption formelle ouvrait l’accès à toutes les faveurs et à tous les avantages, un goût du luxe oriental en habits, en joyaux, en chevaux de prix, que les pays roumains n’avaient pas encore connu, ainsi qu’un furieux appétit d’argent, seul sentiment commun qui réunissait les renégats de toutes les races.

Mais ceux qui contribuèrent surtout à modifier dans un sens défavorable les anciennes coutumes roumaines, ce ne furent pas ces Turcs eux-mêmes. Leurs marchands étaient très rares en deçà du Danube, où ils n’avaient pas le droit de se bâtir des maisons de prière, et le commerce le plus rémunérateur était fait surtout par les janissaires de la garde ou par ceux venus de Constantinople, qui, comme créanciers des princes, s’établissaient provisoirement, arrogants et insolents, dans les deux capitales. Dans la clientèle ottomane s’élevaient, lentement et sûrement, les descendants des grandes familles byzantines, qui, comme manieurs d’argent, en étaient arrivés sous Soliman-le-Magnifique, à détenir, avec leurs collègues arméniens et juifs, non seulement la direction du commerce intérieur de l’Empire, mais aussi la ferme des principaux revenus du Trésor impérial : salines, douanes, pêcheries. Michel Cantacuzène fut, dans le troisième