Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/15

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qui font déjà du Danube une des principales artères fluviales de l’Europe, il lui manque encore cette envergure, cette vitalité envahissante à laquelle il doit d’être, non seulement une des grandes voies du commerce européen, mais, en même temps, l’immense canal qui recueille les riches eaux de toute une grande région géographique, l’élément le plus actif de la vie entière d’un pays, la défense et l’appui, la suprême beauté et le plus grand orgueil d’une race qui voit dans ce fleuve majestueux comme une figure légendaire d’ancêtre et comme un symbole d’avenir dans lesquels viennent se fondre tous les souvenirs d’un passé véhément, les apports d’énergie d’un présent agité, pour s’harmoniser, enfin, pour s’apaiser dans le sort même de la nation.

Ce caractère, le Danube ne l’a pas même au moment où, à travers la puszta hongroise, il risque hardiment sa grande cascade vers le Sud. Sur les deux rives, ce n’est pas la plaine qui est déterminée par le fleuve, mais bien le fleuve lui-même qui se perd, malgré ses larges proportions et la riche constance de son cours, dans l’immensité d’une région que rien ne vient définir. Pour être le Danube célébré avec enthousiasme par les poètes et profondément aimé par l’héroïsme des peuples naissants, il lui faut le voisinage de la montagne qui, aussitôt après l’embouchure de la Theiss, doit l’étreindre dans les défilés sombres des Portes-de-Fer.

A ce point là, une relation ininterrompue s’établit entre le grand fleuve et la montagne dans la profondeur de laquelle jaillissent les rivières qui viennent s’y jeter. De leur jonction, sur toute l’étendue du territoire habité par la race roumaine, résulte l’unité même, qu’il ne faut pas chercher ailleurs, de ce territoire. Par ces rivières aussi, les Carpathes se mettent en contact continuel avec le Danube, et le Danube