Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/159

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des dénonciations, à affaiblir cette rudesse primitive qui avait soutenu contre l’étranger l’ancienne aristocratie. Les guerriers de Pierre Rares, qui regrettaient déjà d’avoir trahi un maître trop impérieux, tuèrent dans son palais Etienne Lacusta parce qu’il avait consenti au dépècement du territoire moldave, puis ils se réunirent autour d’un des leurs, Alexandre Cornea, pour en faire le chef de la révolte. Mais, bien qu’ils eussent gardé fleurs vertus militaires, ces boïars ne soutinrent plus désormais avec la même énergie, ni Lapusneanu contre le « Despote », ni ce « Despote » contre Lapusneanu ; ils abandonnèrent à son sort le jeune Bogdan, revenu avec une armée polonaise, et il fallut que Jean-le-Terrible demandât le concours des Cosaques pour que, néanmoins, la défection de la noblesse lui portât ce grand coup auquel il succomba. Désormais, on s’accommoda de l’ « abeille-reine sans aiguillon » et l’on ne sut même pas résister aux abus du tyran Aaron.

En même temps, les boïars cessaient d’être les camarades de leurs paysans, L’Occident leur donnait, par la Transylvanie et la Pologne, des leçons d’aristocratie féodale qu’ils s’empressèrent de suivre. Ces anciens hôtes dès magnats hongrois, ces citoyens de la Pologne, vêtus de riches étoffes, d’une coupe nouvelle, recherchaient des distractions et des délassements que leurs rudes prédécesseurs n’avaient jamais connus ; ils se détachaient lentement de la vie de leur propre pays. Mais, ambitionnant d’aller de pair avec ces voisins même en ce qui concerne la vie de l’esprit, on les voit employant leurs années d’exil à faire suivre à leurs fils les cours des écoles latines, en opposition avec l’ancienne civilisation slavone, qui avait été l’œuvre et l’apanage des moines.

A l’époque d’Etienne-le-Grand, les paysans libres étaient la force vive du pays ; la victoire avait été