Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/221

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exempter du payement des impôts, ne se préoccupaient guère de nourrir le Trésor princier. Déjà Nicolas Mau-rocordato avait pris envers ses boïars moldaves une attitude sans exemple : il les fit enfermer pour le moindre soupçon ; feignant de voir dans le Métropolite une espèce de moufti obligé de prononcer des sentences politiques contre les personnes désagréables au gouvernement, il lui demanda une condamnation capitale contre ces traîtres ; un peu plus tard, en Valachie, il fit exécuter de hauts dignitaires sous l’accusation d’avoir entretenu des relations avec les Allemands. Si les successeurs phanariotes de Nicolas eurent une conduite plus circonspecte, s’ils évitèrent d’entrer ouvertement en conflit avec l’aristocratie indigène, s’ils s’allièrent même par intérêt avec les grandes familles du pays, ils ne virent jamais dans ces seigneurs roumains que des rivaux qui auraient profité de la première occasion favorable pour se faire rendre le droit de régner qu’avait usurpé l’étranger.

Au milieu des conflits internationaux, ces boïars eurent en fait une attitude qui montre bien leur intention d’introniser un nouveau régime d’autonomie sous une protection chrétienne, dans lequel ils auraient joué le rôle de maîtres. Si Serban Cantacuzène avait négocié avec les Empereurs en son propre nom et pour assurer l’avenir à sa dynastie, conservant à la noblesse, qu’il n’avait pas consultée, ses seuls droits traditionnels ; si, à l’égard des Russes, Démétrius Cantemir avait agi de même, malgré l’énergique opposition de certains nobles à ce projet, lorsque Münnich arriva en 1739 à Jassy, les « libérateurs » ne trouvèrent plus devant eux le prince lui-même, car Grégoire Ghica II, resté fidèle au Sultan, avait quitté sa place, mais bien l’aristocratie seule, avec le clergé supérieur, qui représentaient le pays. Tout en acceptant de supporter les lourdes charges dont le général russe accablait le pays,