Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/248

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Grecs, sans pouvoir les rattacher solidement à cette cause nouvelle qu’il appelait, d’après l’exemple des Serbes, la « cause du peuple ». A la fin d’une de ses entrevues avec cette noblesse dont la partie roumaine chancelait, alors que l’autre ne faisait qu’attendre Hypsilanti, il s’écria, dit-on, de son air farouche : « Je ne plains pas ma propre personne, car je n’ai jamais rêvé de régner dans ce pays, je plains le pays lui-même et les boïars, qui ne prévoient pas ce qui les attend. »

Le prince grec était déjà à Târgoviste. Il eut une entrevue avec celui qu’il qualifiait de rebelle insolent. Des explications ne firent qu’envenimer la querelle. Lorsqu’on lui demanda de quel droit il se réclamait pour agir selon sa propre volonté, Tudor répondit : « Du droit que me donne, dans mon pays, mon épée ». Mais déjà les Turcs passaient le Danube, négligeant de répondre même à ses offres de fidélité. S’étant retiré aux pieds des collines, vers l’Olténie protectrice, le chef du mouvement roumain souleva de nouveau, par ses mesures d’implacable discipline, le mécontentement des capitaines pillards, parmi lesquels les Bulgares, Makédonski et Prodan, anciens auxiliaires de Carageorges. Ils eurent la hardiesse de lui faire des remontrances et même, ainsi que Basta l’avait fait à l’égard de Michel-le-Brave, de l’arrêter. Les pandours, agités contre un chef trop dur, acclamèrent les deux « gospodars » balcaniques, qui mettaient, à la merci de leurs appétits, le pays entier, ce pays que Tudor avait si strictement épargné, parce qu’il l’aimait profondément. Ces bandes, désormais sans drapeau, allèrent périr pour le phénix byzantin à Dragasani, pendant que Tudor lui-même, après un emprisonnement de quelques jours, était assassiné de nuit, pendant une promenade, par deux officiers d’Hypsilanti. Cette nouvelle répandit la consternation parmi les multitudes.