Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/26

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détenaient tout le commerce de cette Scy-thie abondante en matières premières. Le territoire qui nous occupe vit s’établir, sur des emplacements favorables à la navigation, des centres comme Dionysopolis (près de Balcic), comme Kallatis la dorienne (près de Mangalia), comme l’ionienne Tomi (près de Constanza, comme Halmyris, près des grands lacs comme l’importante cité du Danube, l’Istria du delta, comme Tijras, la cité du Dniester, sur le « liman », sans compter des établissements d’une importance secondaire qui suivaient le même cours du Danube, tel Axiopolis, près de Cernavoda.

Mais ce monde grec nouveau, resta toujours, par la religion aussi bien que par le mépris naturel de l’Hellène à l’égard de toute espèce de barabares, étranger à l’indigène de l’inférieur. Pour les marchands, c’étaient de simples clients, plus ou moins incertains, menaçants ou avides, ces pâtres qui les nourrissaient du produit de leurs troupeaux, ces agriculteurs « scy-thes », vassaux de la race dominante, qui cultivaient les légumes et les céréales, ces routiers aux grands bœufs lents et aux petits chevaux agiles, poilus comme ceux des Cosaques et des paysans roumains eux-mêmes, ces Agathyrses transylvains, qui tiraient l’or des anciennes mines primitives et vendaient la cire et le miel de leurs abeilles. Mais aucun contact intime n’existait entre eux. Entre les négociants du littoral, qui vivaient sous leurs chefs républicains, leurs « hel-lénarques », les prêtres, serviteurs des dieux tuté-laires, et les « rois » de la steppe, les relations ressemblaient à celles qui existèrent, des siècles plus tard, entre les Portugais de Goa et les rajahs de l’Inde autochtone. L’art grec seul, en s’accommodant aux besoins de la vie scythique, gagna à ce voisinage un aspect particulier et original, où des conceptions toutes neuves se mélangent d’une manière intéressante à