Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/55

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de Negrul ». Ils se défendaient jalousement contre toute infiltration étrangère ; le jeune homme venu d’un autre de ces microcosmes ruraux, perdait sa personnalité antérieure pour adopter aussitôt celle de la grande famille où il entrait ; il se séparait nettement de son passé au moment où il épousait sa femme, et le prénom donné aux enfants rappelait toujours celle à qui ils devaient leurs droits. L’ensemble de ces villages formait une vate « Tara-Romaneasca », une « Patrie Roumaine », terme imprégné d’un profond instinct ethnique, et qui ne comportait l’idée ni d’une forme politique unitaire, ni d’un droit de conquête.

Les roumains et les magyars.— On ne sait pas exactement comment s’établirent en Pannonie ces Magyars qui, vers l’an 1100, devaient étendre l’autorité nominale de ses chefs, devenus rois apostoliques, sur les forêts et les clairières habitées de la Transylvanie. Le Notaire anonyme du roi Béla est un compilateur du XIIIe siècle qui reproduisit dans son récit, forgé à l’aide de chansons populaires et d’étymolo-gies locales, un état de choses ethnographique et politique. Ses Blaques, nommées dans les lettres du pape Innocent au « roi des Blaques et des Bulgares » (les Magyars nomment les Roumains Olah, d’après le slave Vlach, d’où vient Valaque) ; son Empire bulgare, qui est évidemment celui des Asénides, appartenait à une époque très postérieure. Il faut donc accepter comme des héros de pure légende, fabriqués d’après des noms de lieu, ces Manumorouth (dont le nom est emprunté à celui du Marmoros), ces Gelon (cf. la localité de Gyalu en Transylvanie), ces Glad valaques, qui, pour résister à la conquête magyare, s’allièrent, dit-on, à des chefs slaves ou « bulgares » tels que Kéan et Salan. On accordera plus de créance au Notaire anonyme quand il parle d’un Tuhutum ou d’un Zoltan, fils