Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/71

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Braila, et les Tatars qui l’avaient créée en avaient profité les premiers avant de se retirer[1].

Elle aurait dû servir dès l’abord aux Roumains réunis en un seul État, si la vie politique de la Hongrie n’avait pas été renouvelée, à ce moment même, par l’énergie et l’esprit d’initiative, par la verve chevaleresque de la nouvelle dynastie angevine ; ce but aurait été atteint sans l’apparition au-delà du Danube, où la Bulgarie se mourait et où la Serbie, après avoir jeté, sous le règne de l’ « empereur » Etienne Douchan, un si grand éclat, allait sombrer dans les misérables querelles entre les prétendants et les seigneurs locaux, d’un nouveau concurrent à la domination du monde ; je veux parler des Turcs qui, avec Mourad Ier, Bajézid et son fils, joignaient à l’esprit d’aventure communs aux « Francs » et aux « Sarrasins » pendant leur conflit séculaire en Asie au temps des croisades, un ordre parfait et une discipline de fer, hérité des Tatars.

Désormais, pendant un siècle et demi, les Roumains seront morcelés, mutilés, rejetés d’une frontière à l’autre, des Carpathes au Danube, par l’incessant conflit entre ces deux forces, dont la rivalité assura sans doute leur existence, mais les empêcha de tirer tout l’avantage que pouvaient fournir, à cette fin du moyen âge, un territoire bien défini, une race nouvelle pour la guerre et pour la civilisation supérieure. Ils laissèrent se perdre la précieuse tradition populaire, qui avait permis aux premiers Voévodes d’opposer aux fantômes impériaux slaves des Balcans et aux féodalités agonissantes des autres frontières ce sain réalisme à base géographique et à caractère national

  1. Leur retraite a dû se produire dès les premières années du XIVe siècle ; leur dernier prince, Démétrius (ce qui signifie Démir, Timour), successeur déchu de Nogaï et de Toktaï, vivotait encore vers 1330 du côté du Danube inférieur et d’Akkerman.