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Adjectifs

Emploi du neutre.

La langue moderne emploie des adjectifs au neutre en fonction d’adverbes : sentir bon, voir clair, porter beau. La langue du moyen âge connaît aussi cet emploi, qui y est beaucoup plus fréquent.

Ex. :

Sempres morrai, mais chier me sui venduz. (Rol., 2053.)
Je mourrai bientôt, mais je me suis vendu chèrement.

À la différence de la langue moderne l’adjectif pouvait aussi s’accorder en genre et en nombre avec le sujet.

Ex. : Sa prouece li ert ja vendue trop chiere ; vaillance est chiere achetée ; perdris fresches tuées ; or sui je li plus durs (= durement) ferus[1].

Ce qui caractérisait la forme neutre de l’adjectif et du participe passé, c’est qu’elle ne prenait pas s flexionnelle au cas-sujet singulier. On disait : il est bels (masc), mais ço est bel (neutre).

Ex. :

Quant li jorz passet et il est anoitet. (Alexis, 11 a.)
Quand le jour passe et qu’il fut « anuité », qu’il fut nuit.
Sonent mil graisle, por ço que plus bel seit. (Rol., 1004)
Mille trompettes sonnent, pour que ce soit plus beau.
Il est jugiet que nos les ocidrons. (Rol., 884.)
Il est décidé que nous les tuerons.

Les adjectifs neutres substantivés le beau, l’utile, l’agréable sont d’un emploi très rare dans l’ancienne langue. L’adjectif neutre s’emploie principalement comme attribut.

  1. Tobler, Vermischte Beitraege, I (1ere éd.), 65.