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D’auprès de Nicolette la bien faite aucun homme ne peut le ramener.

L’emploi de ces mêmes pronoms-adverbes est fréquent pour annoncer un régime ou rappeler une proposition. Dans ce dernier cas cet emploi s’est maintenu avec beaucoup de liberté jusqu’au xviie siècle ; on n’a qu’à étudier, à ce point de vue, la syntaxe de en dans Corneille.

Emploi du pronom personnel pour l’adjectif possessif.

Le pronom personnel précédé de la préposition de remplace assez souvent l’adjectif possessif. On disait : l’ame de mei (= mon âme), l’ame de tei (= ton âme), l’âme de lui (= son âme) ; le nombre d’eus, l’ame d’eus, etc.

Ex. :

Guaris de mei l’ame de toz périls. (Rol., 2387.)
Protège mon âme contre tous les périls.
Li sire d’els premiers parlat avant. (Rol., 2656.)
Leur seigneur parla le premier.
L’anme de tei seit mise en pareïs. (Rol., 2934.)
Que ton âme soit mise en paradis.
Por la douçor de li e por s’amor. (Aucassin, 24, 77.)
Pour la grâce d’elle, pour sa grâce et pour son amour.

On trouve dans ce dernier exemple les deux tournures, l’ancienne et la moderne.

Emploi du pronom réfléchi.

Le français moderne n’emploie le pronom réfléchi accentué que lorsque le sujet est indéterminé : chacun pour soi ; il vaut mieux avoir les honnêtes gens avec soi ; on a souvent besoin d’un plus petit que soi.

L’ancienne langue avait une liberté bien plus grande ; elle pouvait employer le pronom réfléchi accentué dans tous les cas où nous emploierions la forme tonique du pronom non réfléchi lui.