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Gent out le cors et les costez molt larges.
Tant par fut bels, tuit si per l’en esgardent. (Rol., 299.)
[Ganelon] eut (avait) les yeux vairs et le visage très fier ; il eut (avait) le corps bien fait et les côtés très larges ; il fut (était) si beau que tous ses pairs le regardent.

C’est surtout dans l’emploi des verbes être et avoir que cette confusion des temps du passé a lieu.


Mais au xiie siècle, l’emploi de l’imparfait se développe d’une façon de plus en plus sensible, surtout chez Chrestien de Troyes. « C’est un des grands changements survenus du xie au xiiie siècle[1]. »


Le passé défini et le passé indéfini sont souvent employés l’un pour l’autre.

Ex. :

Carles li reis, nostre emperere magnes,
Set anz entiers est remes en Espagne ;
Tresqu’en la mer conquist la terre altaigne. (Rol., 1.)
Charles, le roi, notre grand empereur, sept ans entiers est resté en Espagne ; jusqu’à la mer il conquit (a conquis) la haute terre.
Cordres at prise et les murs peceiez
Od ses cadables les tors en abatiet (Rol., 97.)
Il a pris Cordes et brisé ses murs ; avec ses machines il en abattit les tours.
Vinc en Jérusalem par l’amistét de Deu ;
La croiz et le sepulcre sui venuz aorer. (Pélerinage, 154.)
Je vins à Jérusalem pour l’amour de Dieu ; je suis venu adorer la croix et le sépulcre.

Le passé antérieur est souvent employé pour le plus-que-parfait (qui est très rare en ancien français), surtout

  1. Brunot, Hist. de la langue française, I, 241.