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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


temps » et comme « difficile à se procurer » un projet de manuel de tir distribué à plus de 2.000 exemplaires. — Les livraisons de documents, ainsi imputées à tort à Dreyfus, ont été commises par Esterhazy qui s’était rendu au camp de Châlons, « s’y tenait, aux termes du rapport des quatre généraux, à l’affût d’informations relatives aux choses de l’armée et surtout de l’artillerie ». « Esterhazy, dont le régiment a assisté aux manœuvres de forteresse de Vaujours, a pu, bien que dispensé en sa qualité de major, avoir eu l’intention de s’y rendre à titre individuel. » L’expression incorrecte « partir en manœuvres » se rencontre, dans plusieurs de ses lettres, « dont l’une, datée du 17 août 1894, est contemporaine, par conséquent, du bordereau ». — Il résulte, enfin, de l’enquête qu’avant l’arrestation de Dreyfus, des actes de trahison ou d’espionnage ont été commis par deux employés civils, Boutonnet et Greiner, et que, postérieurement à sa condamnation, les attachés étrangers ont continué à être renseignés par divers agents dont il est question dans leurs lettres.

« Ainsi, au point de vue soit de l’écriture, soit du texte, l’accusation, dont le bordereau était la base légale, est entièrement injustifiée » ; au surplus, « l’on s’est trouvé dans l’impossibilité absolue d’indiquer d’une façon plausible à quel mobile Dreyfus, riche, parvenu jeune à une situation brillante dans l’armée, aurait obéi pour commettre un si grand crime ».

C’étaient les faits mêmes qui passaient, dans une lumière débordante. Ceux des assistants qui avaient été les artisans de cette œuvre de justice en éprouvaient quelque orgueil, tant la lutte avait été dure ; mais toute cette vérité était si simple, elle avait toujours été si simple qu’ils auraient ressenti quelque confusion à se targuer de leur clairvoyance.