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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


« promesse[1] », trouvant, lui aussi, la mesure prématurée et objectant qu’il ne fallait point demander une loi pour un seul homme. André, se rendant à ces raisons[2], avait rédigé peu après un autre projet beaucoup plus général, mais dont la pensée transparaissait. Sauf la réforme, aucune peine, ni dans l’ordre judiciaire, ni dans l’ordre disciplinaire, « n’est en principe irrévocable » ; « ni la grâce ni l’amnistie n’en peuvent annuler les effets ». Comme une telle exception « blesse tout à la fois le sentiment de la justice et celui de l’humanité », André proposait qu’un décret spécial, rendu au Conseil des ministres, pût rappeler à l’activité l’officier réformé par mesure disciplinaire, fixer son grade et son ancienneté[3]. Le Conseil des ministres ayant consenti à ce projet, André l’avait déposé à la Chambre qui le renvoya à la commission de l’armée. Il y avait été fort modifié. La commission, présidée par Guyot-Dessaigne, ancien ministre radical avec Bourgeois et avec Floquet, accorda seulement au Gouvernement le droit de déférer au Conseil d’État les décisions de mise en réforme ou à la retraite d’office ; l’avis du Conseil d’État sera émis, après une enquête où l’intéressé aura fait entendre ses observations par un avocat ; « un nouveau décret, rendu en Conseil des ministres et visant l’avis, pourra réintégrer l’officier, soit dans son grade, soit dans le grade

  1. Cinq ans, 241.
  2. Le projet d’André était tout préparé ; il en a publié le texte : « Article unique : Le lieutenant-colonel-breveté Picquart (Georges), réformé par décision présidentielle du 26 février 1898, est réintégré dans l’armée avec le grade de colonel. Il prendra rang parmi les colonels d’infanterie, du jour où a été promu à ce dernier grade le lieutenant-colonel de l’armée classé après lui sur la liste d’ancienneté. » (Cinq ans, 241.)
  3. Projet de loi (du 16 janvier 1903) tendant à modifier la loi de 1834 sur l’état des officiers en vue de permettre la réintégration dans l’armée des officiers mis en réforme.