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LA REVISION


un ministre de la Guerre de déférer à un conseil d’enquête, en dehors de la période d’activité, un officier de l’armée de réserve ou de l’armée territoriale, pour avoir attaqué, sur des sujets étrangers à son service, un officier d’un grade supérieur. C’était pour défendre la liberté d’écrire, atteinte en ma personne, que j’avais renoncé à engager mon affaire au fond devant le conseil d’enquête et que j’avais récusé sa compétence[1]. Il n’y avait aucun précédent, même du temps de Boulanger, que j’avais combattu pourtant avec passion, à une pareille poursuite ; elle avait été tenue pour exorbitante et illégale, même en Russie[2]. Cependant le Conseil d’État avait rejeté mon pourvoi, malgré une vigoureuse plaidoirie de Mornard. Il avait montré qu’il n’y avait pas un outrage dans mon article sur les Enseignements de l’histoire ; alors même que quelque injure solide et véridique s’y fût rencontrée, pouvait-on dire, puisque c’était l’inculpation où Billot s’était arrêté, que « j’avais publié un écrit injurieux contre mes chefs[3] » ? Quels chefs ? Il n’y avait que trois noms d’officiers dans mon article : Billot, Pellieux et Esterhazy. Ils étaient bien tous trois, à l’époque, mes supérieurs hiérarchiques dans l’Annuaire, ce qui avait paru suffisant au représentant du ministère de la Guerre dans l’instance, le contrôleur-général Crétin ; il ne retenait toutefois que les noms de Billot et de Pellieux. Au contraire, selon Mornard, l’officier comme le soldat de l’armée territoriale n’a point d’autres supérieurs que les chefs sous le commandement effectif desquels il a servi ; les seules attaques punissables sont celles qui ont

  1. Voir t. III, 687.
  2. Voir t. III, 639, l’article des Vedomosti.
  3. Paragraphe 9 de l’article 22 du décret du 31 août 1898. — Voir t. III, 635.