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LA REVISION


qui siège dans les prétoires n’est pas toute la justice. Il en est une autre, formée par la conscience publique, qui traverse les âges, qui est l’enseignement des peuples et qui, déjà, entre dans l’histoire. » « Elle y est entrée », dit Delpech, « et point n’est besoin d’autre répression contre les coupables. » Puis, se tournant vers Mercier : « Si pourtant nous voulions pousser plus loin notre besoin de justice, il est un homme qui devrait remplacer au bagne l’honorable victime dont l’innocence, après de si longues et terribles souffrances, a été proclamée hier : cet homme, c’est vous, Monsieur ! »

Les applaudissements de la gauche soufflètent Mercier. À son tour, Barthou lui reproche sa forfaiture, l’erreur judiciaire « monstrueuse » dont il a été l’auteur, s’étonne qu’il ait pu dire qu’un conseiller quelconque de la Cour de cassation n’ait pas pris connaissance du dossier. Et alors Mercier se lève à nouveau, veut parler de sa place, sommé de monter à la tribune, y monte, défie du regard les sénateurs qui l’invectivent, déclare qu’il n’a pas attaqué les juges, qu’il a critiqué seulement le mode de procédure, « qu’il maintient tout ce qu’il a dit ». Encore une fois Barthou : « C’est attaquer les juges et jeter sur eux une suspicion déshonorante que d’affirmer qu’ils ont prononcé leur jugement sans connaître les pièces du dossier. » Et encore une fois Mercier : « Ils ne pouvaient pas les connaître. » Barthou : « Je ne sais qu’une suspicion plus déshonorante qui pourrait peser sur les juges d’une juridiction quelconque, c’est qu’en l’absence d’un accusé, ils aient statué sur des pièces secrètes qui ne lui avaient pas été communiquées. » Mercier : « Ils ne le pouvaient pas matériellement… »

Cette fois on ne le laissa plus parler, et le tumulte ne prit fin que lorsque Dubost, dominant les cris, pro-