Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
L’ILE DU DIABLE


rades, à gagner sur un radeau le Maroni hollandais[1].

« La chaleur agit bien plus sur l’Européen par sa continuité que par son intensité » ; elle ralentit l’activité nutritive des tissus ; et, en même temps, la composition du sang s’altère. « D’où la diminution lente, mais graduelle, de la vigueur physique et intellectuelle, une déchéance progressive[2]. »

La Société de Jésus envoya quelques missions au Maroni et aux îles du Salut. Les Pères y allaient comme à la mort[3].

L’Empire, après cette expérience, songea à supprimer la transportation à la Guyane. L’Assemblée Nationale affecta la Nouvelle-Calédonie aux déportés simples, la presqu’île Ducos aux déportés dans une enceinte fortifiée. Dreyfus, condamné sous le régime de la loi du 23 mars 1872, aurait dû être conduit à la presqu’île Ducos. On a vu comment la loi sur les îles du Salut fut exigée par Mercier et votée sans débat[4].

Les camps de l’île Royale avaient continué à être affectés aux forçats les plus dangereux. L’île Saint-Joseph était réservée aux anarchistes et aux malades, surtout aux fous, et au bourreau. Une léproserie fut établie à l’île du Diable où l’essai d’une chèvrerie avait échoué, à cause du climat trop malsain. Un ancien di-

  1. Évasion de l’île du Diable, par Henri Chabanne (Paris, 1862, et chez l’auteur, à Poully-sur-Loire, Nièvre).
  2. Dr Orgeas, loc. cit., 91.
  3. Jésuites, par le R. P. Du Lac, 346 et suiv.
  4. L’article unique de la loi modifie en ces termes l’article 2 de la loi du 23 mars : « La presqu’île Ducos, dans la Nouvelle-Calédonie, et les îles du Salut sont déclarées lieux de déportation dans une enceinte fortifiée. » La loi fut présentée par Delcassé, ministre des Colonies, et Guérin, ministre de la Justice (cabinet Dupuy). Elle fut promulguée sous le ministère suivant, présidé par Ribot ; elle est signée de Chautemps, ministre des Colonies, et de Trarieux, ministre de la Justice.