Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
L’ILE DU DIABLE


Mathieu était sans peur pour lui-même ; mais il se disait avec raison que, lui disparu, muré pour cinq ans dans une prison, son frère était perdu sans retour. Son courage même lui imposait la prudence.

Et, pourtant, il va falloir agir. Si la seule crainte de voir divulguer les faits exacts du procès a dicté à Mercier ce terrible projet, c’est bien que la révélation doit suffire à faire brèche à la condamnation de l’innocent et que, par la brèche ouverte, passera, un jour ou l’autre, la vérité tout entière.

Le plus simple, évidemment, eût été de publier le rapport de d’Ormescheville, d’un si effroyable vide, les notes, si topiques, que Dreyfus, au Cherche-Midi, a rédigées pour Demange. Les preuves morales ne sont des preuves que pour de rares esprits habitués à raisonner ; devant une telle absence de preuves matérielles, qui ne se sentira pris d’inquiétude ? Seulement, cet acte d’accusation, comment le publier sans risquer de perdre Forzinetti et Demange, de faire de nouvelles victimes ?

Mathieu s’arrêta à l’idée d’une brochure où seraient résumées l’accusation et la défense. Mais qui l’écrira ? Ce plaidoyer pour un Juif écrasé sous une montagne de mépris, objet d’horreur pour tout un peuple, qui osera le présenter ?

    adopter l’article 1er  du projet de la loi qui prononçait la peine de mort contre les traîtres ; les autres articles furent longuement discutés. La majorité de la Commission s’étant prononcée pour une rédaction qui rendait précaire jusqu’à la discussion des choses de l’armée par la presse, Jules Roche rendit son rapport, qui fut repris par Marc Sauzet. Le rapport fut déposé le 26 juin et la loi votée, d’urgence, le 6 juillet 1895.