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LE PETIT BLEU


éviter toute erreur[1]. Guénée (âme damnée d’Henry) fit durer son enquête pendant plusieurs mois et ne rapporta que d’imbéciles racontars[2].

Boisdeffre prescrivit alors « d’aborder la question femmes[3] ». Guénée, « ayant fait partie, en son temps, de la police des mœurs, sembla qualifié » pour élucider ce problème. Il raconta mille fables, n’apporta aucune preuve. Un an après, il était encore en chasse[4].

VI

Malgré l’insuccès de ces recherches, l’idée d’une erreur judiciaire était si loin de la pensée de Picquart qu’il n’eut pas la curiosité de demander le dossier secret, où Sandherr lui avait dit qu’était la preuve incontestable du crime. Il cherchait du nouveau. Ainsi, il fit chauffer avec des fers à repasser les lettres de Dreyfus et des siens, pour y découvrir des traces d’écriture secrète[5]. On n’en trouva nécessairement aucune. Dominé par sa certitude, Picquart lisait sans émotion les lettres de l’innocent : « Il réclame de la lumière, disait-il à Gribelin, je vais lui en faire[6] ! »

Un piège fut tendu vers cette époque à Dreyfus, cer-

  1. Cass., I, 143 ; Rennes, I, 385, Picquart.
  2. Cass., I, 143 ; Rennes, I, 386, Picquart.
  3. Janvier 1896. — Cass., II, 208 ; Rennes, I, 385, Picquart.
  4. Rennes, I, 386, Picquart : « Tout aboutissait à rien. » III, 320, Weill.
  5. Ibid., Picquart ; Cass., I, 432, Gribelin.
  6. Instr. Fabre, 49 ; Instr. Tavernier, 18 oct. 1898 ; Cass., I, 432, Gribelin. (Le sens de cette phrase, d’une hostilité manifeste contre Dreyfus, a été dénaturé plus tard par Gribelin.)