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LE PETIT BLEU


grands chefs, qui n’y attachèrent aucune importance[1].

D’autres rognures encore, souillées de la cendre des cheminées allemandes, furent précieusement recueillies, recollées et étudiées. Du Paty, qui fréquentait au bureau, s’empara d’un mémento de Schwarzkoppen sur l’attribution de l’artillerie lourde aux armées[2] ; Lauth fonda des espérances sur une lettre où il était question du fils du concierge de l’ambassade qui servait dans l’armée française ; on y lisait aussi : « Hanotaux retors se réjouit de ce qu’administration démentit[3]. » À l’examen, tout croula. De ce que l’attaché allemand fait mention du fils de son concierge, il n’en résulte pas qu’il l’ait soupçonné d’avoir volé des papiers ; il écrit qu’Hanotaux est satisfait du démenti concerté entre Casimir Perier et Munster pour clore l’incident diplomatique, mais il n’ajoute pas qu’inquiet pour lui-même, il partage son contentement[4] ; les indications sur l’artillerie lourde lui ont été données quatorze mois après l’arrestation de Dreyfus[5]. On commençait par

  1. Rennes, I, 370, Picquart.
  2. Cass., I, 188 ; Rennes, I, 414, Picquart.
  3. Note de Schwarzkoppen, n° 53 du dossier secret.
  4. Cuignet (Cass., I, 365, 366) trouve cette lettre très grave. Ce concierge, qui a un fils français, est suspect à Schwarzkoppen ; il y a là « un aveu de culpabilité de Dreyfus ». Hanotaux se réjouit : « Il semble que l’auteur du mémento se réjouit, lui aussi, et y aurait-il lieu de se réjouir si le démenti ne devait pas couvrir des faits qui auraient pour lui des conséquences ennuyeuses ? »
  5. Roget (Cass., I, 66) dit que le mémento est conforme à une minute du commandant Bayle qui l’élabora au 1er bureau, en mars 1893, et que Dreyfus était alors sous ses ordres. Or, 1° la note de Bayle, dont la prétendue disparition fut attribuée par Henry à Dreyfus, fut retrouvée en 1903 par le lieutenant-colonel Fournier et le capitaine Hallouin (voir t. VI, 271) (Rennes, I, 414, Picquart) : 2° Dreyfus ne l’a pas connue ; 3° Cuignet convient que le mémento est venu par le cornet le 28 décembre 1895 (Cass., I, 370) ; 4° le 28 décembre 1895, il y avait quatorze mois que Dreyfus était en prison ! (Cass., III, 562, Mornard).