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LE PETIT BLEU


s’adresser aux avocats conseils du ministère[1] ; un avis officieux lui sembla suffisant pour les affaires dont il entretint Leblois, qui avait sa confiance et dont le concours était désintéressé. Jamais un chef ne lui avait demandé compte des collaborateurs qu’il choisissait. Gonse, quand il connut les visites de Leblois, ne fit aucune observation. L’idée ne vint pas à Picquart qu’une consultation, demandée amicalement à un membre du barreau, tenu par le secret professionnel, et sur des questions qui n’avaient rien de secret, serait considérée, un jour, comme tombant sous le coup de la loi sur l’espionnage.

La première de ces questions avait trait à une histoire fort vulgaire, mais qu’il n’eût pas déplu à Cavaignac, alors ministre, de grossir. Un fourrier du génie, à Toul, Boulot, avait vendu un plan aux Allemands, à Metz[2]. Plusieurs civils furent arrêtés comme complices, un marchand de passementerie, son fils, un Juif, un ancien officier prussien, d’autres encore. Le commandant du recrutement de Nancy crut reconnaître l’un des inculpés ; il avait très mauvaise vue[3]. Le parquet conclut au non-lieu pour ces pauvres gens ; le garde des Sceaux, transmit le dossier d’information,

    pouvais commettre une irrégularité. » (II, 155.) Le Conseil de l’ordre des avocats a estimé, au contraire, que Leblois avait « enfreint la règle qui prescrit à l’avocat de n’exercer sa profession qu’à l’audience ou dans son cabinet » ; « toutefois, dans l’appréciation de cette faute, il y a lieu de tenir compte, et de l’intimité qui existait entre Leblois et Picquart, son compatriote et son ami d’enfance, et de ce que son concours a été absolument désintéressé ». (Instr. Fabre, 245.)

  1. Procès Zola, I, 231, Gonse. — « Je ne me suis pas adressé à eux, dit Picquart, parce que je ne disposais pas auprès d’eux de la même liberté d’allures. » (Cass., II, 162.)
  2. Fin février 1896. (Instr. Fabre, 51, Henry.)
  3. Procès Zola, I, 230, Leblois.