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LE PETIT BLEU


rendez-vous qui ne put lui être accordé en raison de l’absence d’Henry[1]. Picquart se rendit compte qu’il serait nécessaire de mettre, à l’avenir, un second officier en rapport avec la femme Bastian[2]. Henry cependant finit par se rencontrer avec elle, sur un ordre de Picquart, entre deux trains, et, contrairement à sa prudente habitude, dans la journée[3]. Pressé par l’heure, inquiet de sa mère mourante, il ne jeta qu’un coup d’œil rapide dans les cornets[4]. Ils étaient volumineux, la récolte de plus d’un mois. Il les porta, le jour même, au ministère[5].

Picquart les serra dans son armoire. Le lendemain (le surlendemain peut-être), il les remit à Lauth sans y avoir regardé[6].

  1. Instr. Tavernier, 5 nov. 1898. Lauth.
  2. Cass., I, 172, Picquart.
  3. Rennes, I, 416, 425, Picquart.
  4. Cass., I, 110, Roget : « Il est certain qu’au moment où ce paquet est arrivé au ministère, Henry est parti aussitôt pour Nancy, où l’appelait l’affaire Boulot, qu’il a perdu sa mère presque en même temps. » Etc.
  5. Instr. Tavernier, 28 sept. 1898, Picquart : « Je crois bien me souvenir que le lot de cornets où se trouvait le petit bleu m’a été remis par Henry à la veille d’une des absences causées par la mort, ou la maladie, de sa mère. »
  6. À l’enquête Pellieux, 28 nov. 1897, Lauth dit que le petit bleu a été « trouvé » à l’automne 1895, puis reconstitué par lui au printemps de 1896. Ce long délai n’est plus que d’un mois à l’instruction Ravary. (Procès Esterhazy, 120, Rapport.) Au procès Zola, Lauth réduit le délai : 1° à six ou huit jours (I, 153) ; 2° à dix ou douze jours (I, 283) ; 3° à deux ou trois jours, « comme d’habitude » (I, 341. — Instr. Tavernier, 30 oct. 1898, Lauth : « C’est dans le courant du mois de mars, — entre le 15 et le 20, — pendant l’absence d’Henry, que j’ai recollé le petit bleu. En effet, si le paquet avait été reçu dans les premiers jours d’avril, après la rentrée d’Henry à Paris, Picquart n’aurait pu me le remettre que le septième jour de ma rentrée de permission. » — Sur la date de l’arrivée du petit bleu, les souvenirs de Picquart concordent, après quelques fluctuations, avec la déposition de Lauth à l’instruction