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ESTERHAZY


(Polytechnique et École d’application de Metz), partit pour l’Afrique. Le service sévère de l’artillerie s’accordait mal avec son humeur emportée et le tempérament de cavalier qu’il avait hérité de ses ancêtres. Comme il avait appris l’arabe, il s’attacha au fameux Yusuf, qui lui obtint le commandement d’un escadron de cavalerie indigène, le Maghzen d’Oran[1]. Ces Moukhalias (porte-fusils) ressuscitèrent, sous le burnous, les hussards d’Esterhazy. Ils en avaient l’élan et la sauvagerie.

Après le combat de la Mouïla, ils dressèrent, sur le champ de bataille, une pyramide de cent cinquante têtes[2].

Ces renégats de la patrie arabe, sous les ordres du petit-fils d’un transfuge hongrois, furent maudits par les patriotes qui suivaient l’étendard vert d’Abd-el-Kader ; mais ils restèrent fidèles à leur trahison. Esterhazy fait ainsi leur éloge : « Les préjugés, le fanatisme, les sympathies peut-être se turent devant leur intérêt, ce souverain mobile des actions des hommes[3]. » Ce furent encore les Moukhalias qui emportèrent à l’Isly, avec les spahis de Yusuf, le camp du Sultan du Maroc. Avant que les batteries déployées sur le front de bandière eussent pu tirer une seconde charge, ils étaient sur les canonniers et sabraient tout[4].

Esterhazy, entre deux combats, écrivait des livres sur l’organisation de la conquête algérienne. Dans le pre-

  1. Camille Rousset, La Conquête de l’Algérie (1841-1857), I, 54. — Souvenirs du général du Barail, I, 121. — Il fut cité trois fois à l’ordre du jour. Capitaine en 1840, chef d’escadron en 1842, colonel en 1847, il ne rentra en France qu’en 1848 et fut nommé général de brigade en mai 1852.
  2. C. Rousset, I, 327.
  3. Notice historique sur le Maghzen d’Oran, par le colonel Walsin-Esterhazy (Oran, 1849), 198.
  4. C. Rousset, I, 359, 362 ; Du Barail, I, 253.