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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


ramasseuse ; il désigna Lauth pour le suppléer[1]. Henry aboucha Lauth avec la Bastian[2]. Cela resserra encore l’accord, l’étroit mariage, des deux officiers. Mais le cornet, de longtemps, ne donna plus rien.

Henry raconta alors à Picquart, qui en informa Gonse, que la ramasseuse avait pris peur et s’était plainte vivement d’indiscrétions ; il l’avait sermonnée ; « elle s’était fâchée avec lui[3] ». En fait, Schwarzkoppen, averti par Esterhazy, avait manifesté son inquiétude et surveillé quelques-uns de ses employés[4]. Cependant, ni lui ni l’ambassadeur ne suspectèrent jamais la Bastian.

Lauth, de son propre aveu, savait qu’Henry connaissait Esterhazy. Dans leurs conversations familières de chaque jour, allant ensemble au bureau, en revenant ensemble[5], le nom de cet ancien camarade a été plus d’une fois prononcé par Henry. En mai 1895, Henry et Lauth, chargés d’une commission de Sandherr, se rendaient un matin, en voiture, à la gare du Nord[6]. Lauth aperçoit un officier d’infanterie, « assez grand, maigre, qui marchait vivement sur le trottoir et bousculait les passants ». Il observe que ce commandant a l’air un peu agité ; Henry regarde : « Tiens, dit-il négligemment, cela doit être Esterhazy ; il a bien vieilli. »

Lauth ne demande pas qui est Esterhazy : il le sait donc. Si Henry, toujours prudent, observe qu’Esterhazy « a bien vieilli », c’est pour faire entendre à Lauth

  1. Cass., I, 172, Picquart ; II, 158, Lauth.
  2. Mai-Juin. — Instr. Tavernier, 5 nov., Lauth.
  3. Aff. Picquart, 235, 270, Picquart.
  4. Ibid.
  5. Enq. Pellieux, 28 nov., Lauth.
  6. Rennes, I, 611, Lauth.