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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


souvenir[1], si la trahison date d’août 1893 ou d’août 1894, « au moment des manœuvres » ; en octobre 1895, « aussi à l’époque des manœuvres », le grand État-Major s’était convaincu que l’individu faisait partie du contre-espionnage ; « Schwarzkoppen, que l’on ne veut à aucun prix voir compromettre, reçut l’ordre formel de rompre ses relations. On ignore ce qui s’est passé depuis[2]. »

Lauth remit à Picquart un rapport, très court, où il relatait ces révélations qui n’étaient, en effet, que des redites. Il dit encore qu’Henry et lui avaient vainement insisté pour savoir le nom du traître ; Cuers s’y était refusé[3]. Cependant, il avait donné celui d’un paysan qui habitait une petite bourgade de Lorraine et qui était à la solde des Allemands[4]. — Le fait fut vérifié et trouvé exact[5]. — Henry avait posé en vain les questions les plus nettes, les plus précises, que Lauth traduisait en allemand, car toute la conversation aurait été en allemand[6]. — Elle se poursuivit, au contraire, pendant cinq heures d’horloge, en français, et, de son propre aveu, Henry objurgua lui-même Cuers, lui parla très durement[7]. — En vain encore, les deux envoyés avaient fait à « l’alcoolique[8] » les propositions les plus séduisantes, lui offrant « jusqu’au triple de la somme[9] »

  1. « On a pas su ou on n’a pas voulu se rappeler l’année. » (Rapport.)
  2. Instr. Tavernier, 5 oct. 1898, Lauth.
  3. Enq. Pellieux, 28 nov. 1897, Henry ; Rennes, I, 624, Lauth.
  4. Enq. Pellieux, 28 nov. 1897, Henry. (Il nomme la commune.)
  5. Cass., I, 151 ; Instr. Tavernier, 28 sept. 1898, Picquart.
  6. Cass., I, 418, Lauth.
  7. Enq. Pellieux, Henry.
  8. Rennes, I, 626, Lauth.
  9. Cass., I, 419 ; Rennes, I, 625, Lauth : « Je lui ai offert des émoluments, des mensualités pour nous servir… Puis, je lui ai offert à titre gracieux une certaine somme, — je lui aurais donné deux ou trois billets de cent francs. »