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LE PETIT BLEU

XIX

Plus tard[1], Cuers a ajouté au récit de Foucault quelques détails. À Bâle, le matin, avant de déjeuner avec lui, les deux officiers cherchent seulement à l’embaucher ; il refuse, voulant, dit-il, « rester honnête ». Après le déjeuner, le gros rouge s’absente ; Cuers dit alors à l’autre officier que Dreyfus n’a jamais été au service de l’Allemagne ; comme il ignore tout du bordereau, il n’accuse pas un autre d’en être l’auteur ; mais il affirme que Schwarzkoppen n’a eu à ses gages qu’un commandant français, dont il ne sait pas le nom, de famille autrichienne, qui a commencé à trahir au printemps de 1893 et a reçu longtemps une mensualité de deux mille marks. Le gros rentre sur ces entrefaites, Cuers recommence son histoire ; Henry le regarde « comme s’il voulait le poignarder », se met en colère, l’appelle imposteur, fourbe, et fait entendre de terribles menaces.

Qu’aurait dit Cuers à un policier, à la fois loyal et délié, comme Tomps ? Et qui est Cuers ?

Quand son aventure devint publique, on s’étonna que le gouvernement allemand ne le fit pas arrêter pour ses relations avec l’attaché français et les envoyés de Picquart[2]. En fait, il fut durement interrogé par ses anciens chefs, mais couvert par l’universelle pitié pour Dreyfus qu’il avait aidé à sauver, bien que sa démarche lui eût été dictée surtout par son intérêt personnel[3].

  1. Lettre du 15 juillet 1899 à un rédacteur du Figaro.
  2. Rennes, I, 625, Lauth.
  3. C’est ce qu’il dit dans sa lettre du 15 juillet 1899 : « Oh qu’ai-je dû supporter lorsque le Figaro publia, au commence-