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ESTERHAZY


hazy quitta le lycée, sans qu’on sache pourquoi, avant la fin de ses études[1], et, sa mère étant morte peu après[2], il laissa là ces perspectives militaires et ferma ses livres[3].

Il se trouvait ainsi, à dix-huit ans, à la tête de quelque argent et maître de ses actions. Le monde parisien l’attirait et il comptait y faire figure.

Entre tant d’Esterhazy qui ont fait du bruit dans l’histoire, il semble avoir choisi dès lors son modèle, ce comte Ladislas qui, par la faveur des femmes[4], était parvenu aux grands emplois et à la fortune. Il racontait avec complaisance les amours du bel Esterhazy avec Marie-Antoinette, et, de ce que son grand-oncle aurait couché dans le lit d’une reine de la maison de Habsbourg[5], il se disait cousin de l’Empereur d’Autriche. Il prit le titre de comte et joua au grand seigneur.

Il est probable qu’après avoir gaspillé en peu de

  1. Il est porté sur les registres du Lycée Bonaparte (aujourd’hui Condorcet) comme ayant quitté la classe de seconde, section des sciences, en mars 1863. Il avait alors seize ans.
  2. 1865.
  3. Il ne passa même pas l’examen du baccalauréat ; le fait a été contrôlé à la Sorbonne. Cependant, le président Ballot-Beaupré écrit dans son Rapport : « Esterhazy, après avoir fait ses études en Autriche, mais obtenu en France les diplômes de bachelier ès-lettres, bachelier ès-sciences et licencié en droit… » (Cass., III, 123.) Les renseignements qui ont été fournis à la Cour de cassation sont autant de faux. Esterhazy, qui a fait ses études au lycée Bonaparte, n’a passé aucun de ces examens.
  4. Feuillet de Conches, Louis XVI et Marie-Antoinette, IV, 7, 8, 10, 16, etc., d’après les Mémoires inédits de Ladislas.
  5. L’accusation, née dans la société du comte de Provence, fut accréditée par les pamphlétaires du Palais-Royal et par ceux de la Révolution ; on a vu (p. 71 que Ladislas se comporta, notamment dans une querelle qu’il chercha à Lauzun, de façon à justifier les soupçons. (Mémoires de Lauzun, 238.)