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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


gereuse manœuvre de Picquart. Esterhazy consigna le récit dans une sorte de mémento, y nota le nom de Cuers[1]. D’une mobilité étonnante d’esprit, il s’était rassuré après une première crise d’inquiétude, et il avait commencé déjà à tirer de nouveaux plans. Son régiment devait rentrer à Rouen à l’automne ; l’idée de quitter Paris lui était insupportable. Un autre, après la découverte du petit bleu, se fût tenu tranquille, dans l’ombre, eût essayé de se faire oublier. Esterhazy paya d’audace : il recommença ses démarches pour rentrer au ministère de la guerre.

Esterhazy s’adressa d’abord à Weil, selon son habitude, pour obtenir le concours de Saussier, « du grand patron ». Puis, mettant en pratique les préceptes du général du Guiny, et convaincu lui-même de la toute-puissance des influences parlementaires, il fit un pressant appel à ses amis des deux Chambres, républicains et royalistes, Adrien de Montebello[2], Jules Roche[3], le baron de Lareinty[4] et le marquis Perron de la Ferronnays[5].

Billot avait pour chef de son cabinet civil le fils de son ancien collègue Calmon, longtemps préfet de la Seine et sénateur. Le 29 juillet, Weil écrivit à Calmon

  1. Ce mémento fut saisi chez Esterhazy, le 12 juillet 1898, par Bertulus et mis sous scellés. (Cass., I, 225 ; Rennes, I, 344, Bertulus.)
  2. Député de la Marne, frère de l’ambassadeur en Russie.
  3. Député de l’Ardèche, ancien ministre. — Esterhazy avait été présenté par Grenier à Jules Roche, rapporteur (en 1894) du budget de la guerre, « comme un officier intelligent et instruit, capable de lui donner certaines explications techniques ». (Cass., I, 712, Grenier ; Rennes, II, 245, J. Roche.)
  4. Sénateur de la Loire-Inférieure.
  5. Député de la Loire-Inférieure. — Ce sont ces quatre députés et sénateurs dont Weil annonça à Calmon la visite prochaine. Billot dépose (Rennes, I, 178) qu’il fut sollicité, en faveur d’Esterhazy, par Jules Roche, Montebello et Lareinty.