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LE PETIT BLEU


de préparer le ministre aux démarches des parlementaires, qui allaient opérer vers la mi-août, et du gouverneur de Paris. Son « vieil ami Esterhazy » demande « à être attaché au ministère de la Guerre, soit à la section technique de l’Infanterie, soit au bureau des Renseignements, où il a déjà été, de 1877 à 1880, et où sa complète connaissance de l’allemand et de l’armée allemande lui permettraient de rendre de réels services ». Weil précise que le plaisir de rester à Paris est le moindre souci de ce vigoureux soldat ; toute sa pensée est « d’être proposé plus vite pour lieutenant-colonel, ce qui lui serait impossible s’il restait au 3e corps, primé par une foule de concurrents plus anciens que lui ».

Il n’y a pas, dans la comédie italienne, d’idée plus grandiose que le projet d’Esterhazy de rentrer, juste à ce moment, au service de statistique. Il connaît la maison et ses traditions ; il sait donc que Billot, s’il cède à tant de sollicitations, consultera Picquart ; celui-ci sortira aussitôt la carte-télégramme. On voudrait savoir la riposte qu’il tenait en réserve, d’une aussi belle impudence, sans doute, que ses visites, en uniforme, à l’ambassade d’Allemagne, au lendemain de la trouvaille du petit bleu.

Au bout de quinze jours, Esterhazy, impatient, s’irrita du retard apporté à réaliser ses vœux comme d’une nouvelle injustice du sort. Weil, alors en Autriche, lui écrivit qu’il avait fait de son mieux pour préparer les aîtres ; à Esterhazy, maintenant, de faire donner la grosse cavalerie : « Allez voir Giovaninelli et Torcy… Faites attaquer Billot par Guerrier ou par quelque autre étoile… Allez voir Thévenet (l’un des officiers d’ordonnance du ministre)[1]. »

  1. D’Ischl, 17 et 24 août 1896.