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LE PETIT BLEU


officier d’État-Major. Quelle part reste à Dreyfus dans le crime commun ?

Picquart la voyait fondre sous ses yeux, disparaître.

La recommandation de Sandherr, pour le cas où il s’élèverait des doutes sur le crime de Dreyfus, lui revint à l’esprit ; il appela l’archiviste : « Gribelin, dit-il, donnez-moi le petit dossier, celui qui a été communiqué aux juges de Dreyfus et qui est dans l’armoire du commandant Henry[1]. »

Gribelin ne fit aucune objection, ouvrit l’armoire de fer, remit le petit dossier à Picquart[2].

C’était le soir[3], à la nuit tombante, les lampes allumées sur la table. Picquart, resté seul au bureau, n’ouvrit pas sans émotion l’enveloppe non scellée, en papier bulle, avec, au dos, le large paraphe d’Henry au crayon bleu. Il voulait être fixé sans plus de retard afin de pouvoir rendre compte, dès le lendemain, à Boisdeffre[4].

Il s’attendait encore à trouver « des choses graves »[5], ces preuves écrasantes dont Gonse, Du Paty, Sandherr, Henry, lui ont tant parlé[6], dont la découverte, bruyamment annoncée, a satisfait trop facilement, endormi sa propre conscience. Preuves contre qui ? Contre Dreyfus et contre Esterhazy à la fois[7].

À sa stupeur, il découvrit le néant.

Lentement, tendant toutes les fibres de son cerveau,

  1. Revision, 121 ; Instr. Fabre, 86 ; Cass., I, 133, 139, 155 ; Rennes, I, 431, Picquart ; Cass., I, 433, Gribelin.
  2. Cass., I, 133, Picquart ; 433, Gribelin ; Instr. Fabre, 22, 48, Gribelin : « Entre le 28 août et le 5 septembre. » 87, Picquart : « Le 30 ou le 31 août. »
  3. Instr. Fabre, 86 ; Cass., I, 155, Picquart.
  4. Instr. Fabre, 86, Picquart.
  5. Cass., I, 155, Picquart.
  6. Ibid., 128, 133, etc., Picquart.
  7. Ibid., 155 ; Rennes, I, 431, Picquart.