eût supporté gaiement ces misères et bien d’autres, s’il eût aperçu une issue à l’impasse, une fente à l’énorme mur qui l’encerclait. Mais rien, toujours rien…
Quelque force qu’il puisât dans la vaillance de sa jeune femme, il s’énervait dans l’inaction et dans quelque chose de pire, l’illusion d’agir que lui donnaient ses policiers toujours en chasse, zélés et prometteurs, parce qu’ils étaient bien payés ; mais comment eussent-ils trouvé le traître ? Une chape de plomb pesait, d’un poids tous les jours plus écrasant, sur tous les siens. Ses frères, en Alsace, le vieil Hadamard, à Paris, ces bons bourgeois, tisseurs et négociants, avaient rencontré l’Ananké des tragédies, réservée aux rois et aux héros.
Une seule joie, mais aussi cruelle que toutes ces douleurs : les enfants, ceux de Mathieu, ceux du condamné, dans l’inconscience de leur âge, ignorants du drame. Ils riaient, chantaient[1] : vers quel avenir allait cette race de parias, déshonorée dans sa fleur ?
Là-bas, dans l’île, c’était manifeste que l’infortuné croulait sous le trop long supplice. Toutefois, on se faisait scrupule de le leurrer d’un prochain espoir ; la pauvre Lucie ne pouvait plus mentir qu’aux enfants :