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LA DOUBLE BOUCLE


fut « radicalement étrangère » à l’ordre qu’il donna de mettre Dreyfus à la double boucle[1]. Il dit à Picquart : « Je vais le faire mettre aux fers ce soir[2]. » Picquart n’avait pas le droit de confier au ministre que le condamné de l’île du Diable était innocent. Il recueillit la féroce parole, resta silencieux.

VI

Cependant les journaux, à la satisfaction de Mathieu, continuaient leurs polémiques.

La note officielle, qui démentait l’évasion, fut accueillie avec scepticisme par Drumont : « La fausse nouvelle a été lancée pour tâter l’opinion ; elle sera vraie demain[3]. » De même Rochefort[4]. Un voyageur révéla « qu’une goëlette avait débarqué à Carupana Dreyfus et une dizaine de ses compagnons ; tout le monde le sait au Venezuela[5] ». Le plus beau fut l’enquête de Papillaud à Newport. Il raconta longuement qu’il y avait vu Collins, l’auteur de « l’article sensationnel » du South-Wales Argus, le capitaine Hunter et un matelot du Non-Pareil. Hunter a allégué qu’il en a déjà trop dit ; mais Collins a certifié que Mme Dreyfus est venue à l’île du Diable, et le matelot que Dreyfus s’est

  1. Lettre de Lebon au Journal des Débats : « À tout cela, ce qu’on nomme actuellement le faux Weyler est demeuré radicalement étranger, bien qu’il date de la même époque. »
  2. Je tiens ce récit de Picquart.
  3. Libre Parole du 5 septembre 1896.
  4. Intransigeant du 6.
  5. Nouvelliste de Bordeaux du 11 ; l’article fut reproduit dans de nombreux journaux.