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LA DOUBLE BOUCLE

Picquart employa ensuite Guénée à rechercher « quels journaux allaient intervenir en faveur de Dreyfus[1] ». L’agent favori d’Henry signala l’Éclair ; il affirma, dans un rapport, que le député Castelin, grand ami du directeur Sabatier, avait traité avec le frère et le beau-père du condamné[2].

Quelques jours plus tard parut une lettre publique de Castelin au président du conseil ; le député de l’Aisne avisait Méline qu’il l’interpellerait, à la rentrée, « sur la complaisance du gouvernement à l’égard de Dreyfus et de ses amis[3] ». La Libre Parole, l’Intransigeant célébrèrent le patriotisme de Castelin. Dupe de Guénée, Picquart se dit que Castelin faisait le jeu de Dreyfus.

Gonse, le soir même de la visite que lui avait faite Picquart, écrivit à Boisdeffre[4] ; le lendemain, il vint au ministère et eut un long entretien avec lui[5]. Ce même jour[6], Billot, après quelque hésitation, autorisa Picquart à demander au colonel Abria des spécimens de l’écriture d’Esterhazy. Le ministre ignorait encore que le chef du service des Renseignements avait découvert qu’Esterhazy était l’auteur du bordereau. Il en résultait une grande gêne pour Picquart, retenu par la défense de Boisdeffre. À plusieurs reprises, il revint sur sa demande d’exposer l’affaire au ministre. Boisdeffre finit par y consentir : « Faut-il lui montrer tout ? — Oui, tout[7]. »

  1. Instr. Fabre, 170 ; Cass., I, 163, Picquart.
  2. Cass., I, 163, 166 ; Rennes, I, 438, Picquart.
  3. Lettre du 11 septembre 1896.
  4. Instr. Fabre, I, 60 ; Rennes, I, 525, Boisdeffre : « Je regrette bien de ne pas retrouver cette lettre. »
  5. 4 septembre 1896.
  6. Cass., I, 161, Picquart : « C’est la date qu’on m’a donnée à l’instruction Tavernier. »
  7. Cass., I, 132, Picquart.