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LA DOUBLE BOUCLE

Ainsi tous deux poursuivent le même but ; mais, « ceci dit, il faut éviter toute fausse manœuvre, et, surtout, se garder de démarches irréparables ».

Le nécessaire, poursuit Gonse, est, il me semble, d’arriver en silence et, dans l’ordre d’idées que je vous ai indiqué, à une certitude aussi complète que possible, avant de rien compromettre.

Par cette phrase : « Dans l’ordre d’idées que je vous ai indiqué », Gonse se réserve de dire[1] que l’hypothèse d’une erreur judiciaire a toujours été loin de sa pensée et qu’il a constamment orienté Picquart sur la seule piste d’Esterhazy. Pourtant, il n’est question, dans la lettre à laquelle il répond, que de Dreyfus ! Ayant pris cette subtile précaution, Gonse peut, sous ce couvert, avancer d’un pas :

Je sais bien, dit-il, que le problème à résoudre est difficile, qu’il peut être plein d’imprévu, mais c’est précisément pour cette raison qu’il faut marcher avec prudence. Cette vertu ne vous manque pas, je suis donc tranquille.

Songez que les difficultés sont grandes, et qu’une bonne tactique, pesant à l’avance toutes les éventualités, est indispensable.

J’ai occasion d’écrire au général de Boisdeffre ; je lui en touche quelques mots dans le sens de ma présente lettre.

Prudence ! Prudence ! Voilà le mot que vous devez avoir toujours devant les yeux.

  1. Procès Zola, I, 152, 219.