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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


cier d’emblée, lieutenant à vingt-sept ans[1], capitaine six ans après[2], au choix et hors tour[3], détaché, bien que sans brevet, à l’État-major général, puis, hors cadre, au corps expéditionnaire de Tunisie[4], il a eu de l’armée (hors l’argent, le million rêvé) tout ce qu’elle peut donner à un soldat, grades et croix[5]. Son avancement, loin d’être tardif, a toujours surpris ses chefs immédiats : « Officier inconnu au régiment, disent ses notes de 1879 ; a trouvé moyen, sous n’importe quel régime et n’importe quel prétexte, de rester détaché au ministère de la Guerre depuis un temps immémorial ; proposé néanmoins pour l’avancement, ce qui tient du scandale. » De même, au semestre suivant : « N’a pas encore paru au 51e de ligne. » De même en 1880 : « N’a jamais fait une heure de service… Tout à fait inconnu dans les corps où il n’a fait que passer[6]. »

  1. 21 février 1874. Au 51e régiment de ligne. — À l’Annuaire de 1873, il a le n° 1296 sur la liste d’ancienneté des sous-lieutenants.
  2. 14 septembre 1880. Au même régiment. — À l’Annuaire de 1879, il a le n° 621.
  3. Esterhazy prétend qu’il a dû sa nomination, « au choix, hors tour, à l’intervention personnelle de Gambetta ». (Cass., I, 699, lettre à Jules Roche.) Il est possible qu’Esterhazy se soit fait recommander à Gambetta, alors président de la Chambre, par l’un de ses secrétaires, Arnaud (de l’Ariège), qu’il avait rencontré dans le monde des théâtres. — L’ancien officier du 135e de ligne, dont j’ai déjà cité les notes, reproduit ce propos d’Esterhazy : « J’ai deux cent mille francs de dettes et, si mon ami Arnaud ne répondait pas pour moi, je ne saurais comment faire pour modérer mes créanciers. »
  4. Esterhazy venait d’être nommé au 135e régiment de ligne quand le premier bataillon, dont il faisait partie, fut envoyé en Tunisie (juillet 1881). Il y fut incorporé d’abord à un régiment de marche, sous les ordres du lieutenant-colonel Corréard, puis attaché au service des Renseignements et, pendant deux ans (1882-1883), aux affaires indigènes.
  5. Chevalier de la Légion d’honneur pendant son séjour en Tunisie. (Annuaire de 1882.)
  6. Cass., III, 423, 424.