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SCHEURER-KESTNER


ciens chefs qui lui ont témoigné de l’amitié et qui le pourront guider et lui venir en aide[1].

C’était fort sage. Mais il trouva porte close chez le général Jamont[2] ; le général Nismes l’écouta, prit part à sa peine, mais ne lui donna que des conseils militaires : « Ne rien dire au civil » et « faire le mort[3] ».

Picquart revint alors chez Leblois et, se confiant à l’avocat, il lui raconta comment il avait découvert la trahison d’Esterhazy — toutefois sans préciser par quels moyens et sans parler du petit bleu[4], — et l’innocence de Dreyfus.

Comme preuves matérielles de son dire, il montra à Leblois quatorze lettres de Gonse[5] ; il en résulte que son enquête contre Esterhazy a été autorisée et qu’on l’a éloigné pour le punir de sa clairvoyance. Et la vengeance se poursuit : Henry, porte-parole des chefs irrités, le menace et l’insulte.

Par la suite, quand Picquart, devant vingt juges, militaires et civils, protestera comme accusé, et, sous serment, affirmera comme témoin[6] qu’il n’a pas fait ses confidences à Leblois dans le dessein (noble ou scélérat) de combiner quelque plan pour rendre au martyr de l’île du Diable l’honneur et la liberté, mais qu’il a été préoccupé seulement de sa défense personnelle, « qu’il ne pensait plus à autre chose qu’à sa défense[7] », il

  1. Enq. Pellieux, 30 nov. 1897, Picquart.
  2. Cass., I, 196, Picquart.
  3. Procès Zola, I, 290 ; Instr. Fabre, 81, Picquart.
  4. Procès Zola, I, 97, Leblois ; Instr. Fabre, 71, 132, Picquart ; 114, Scheurer ; 120, 135, 197, Leblois ; Cass., I, 197, Picquart ; etc.
  5. Instr. Fabre, 73 ; Cass., I, 197 ; Rennes, I, 460, Picquart.
  6. Enq. Pellieux, 30 nov. 1897 ; Instr. Ravary, 9 déc. ; Conseil d’enquête du 1er  fév. 1898 (Cass., II, 166) ; Procès Zola, I, 290 ; Instr. Fabre, 81, etc.; Cass., I, 196 ; Instr. Tavernier, 22 oct. 1898 ; Rennes, I, 460.
  7. Instr. Fabre, 193, Picquart.