VIII
À Marseille, durant l’année 1884, Esterhazy fut au plus bas : il n’avait pas rétabli ses affaires en Tunisie ; celles qu’il y entreprit avaient mal tourné[1] ; ses créanciers, de toutes parts, se lassaient. Il avait emprunté (ou emporté) une somme considérable à une danseuse de l’Opéra, qui menaçait de porter plainte.
Cette histoire inquiéta terriblement Esterhazy ; il roula dans sa tête des pensées de meurtre. Il écrivit à Mme de Boulancy : « Je suis à l’absolu merci de cette drôlesse, si je commets vis-à-vis d’elle la moindre faute… Je la hais, tu peux m’en croire, et donnerais tout au monde pour être aujourd’hui à Sfax et l’y faire venir. Un de mes spahis, avec un fusil qui partirait comme par hasard, la guérirait à tout jamais[2]. »
Mme de Boulancy dédaigna de comprendre l’avertissement. C’était une femme d’une quarantaine d’années, orageuse, à qui Esterhazy, pendant longtemps, avait promis le mariage. Elle était, à un degré éloigné, sa cousine, de cette famille Cartier, de Nîmes, dont une fille avait épousé le bâtard de Marie-Anne[3]. À elle aussi, il avait extorqué de l’argent. Tout passait, fondait aux mêmes gouffres, dans des combinaisons admirables qui échouaient toujours.
L’an d’après, elle réclama son argent. Esterhazy