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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

On savait Esterhazy à la campagne, mais où ? Henry, ostensiblement, le demanda à Gribelin, qui n’en savait rien ; il envoya alors l’archiviste se renseigner chez l’agent Desvernine qui, par ordre de Gonse, n’avait pas cessé de surveiller Esterhazy et qui donna l’adresse[1]. Henry vérifia avec Du Paty l’emplacement exact de Dommartin sur la carte[2].

Gonse, qui, apparemment, avait les instructions de Boisdeffre, alla trouver Billot et lui rendit compte. Mais le ministre se fâcha, défendit d’envoyer à Esterhazy la lettre anonyme qui avait été préparée[3]. Par surcroît de précaution, Billot réitéra directement ses ordres à Boisdeffre[4].

Gonse rapporta à Henry et à Du Paty la défense de Billot : « Voilà, dit-il, où nous en sommes, vous connaissez la situation. » Et il l’exposa de nouveau[5]. Du Paty, qu’Henry avait mis au point, fit quelques objections[6] ; Gonse reprit que les ordres du ministre étaient formels, qu’il fallait s’incliner[7]. Il sortit en mâchon-

  1. Cass., I, 434 ; Rennes, I, 599, Gribelin. — Cette déposition de Gribelin réduit à néant l’allégation de Roget (Cass., I, 102) et celle de Cuignet (I, 346) que Du Paty serait allé demander l’adresse d’Esterhazy au bureau des Renseignements, le 16 octobre, le jour même où arriva la dépêche de Bertin. Du Paty, dès qu’il connut l’accusation, la démentit. (Instr. Tavernier, 6 juin 1899.)
  2. Instr. Tavernier, Du Paty.
  3. Cass., I, 547, Billot ; I, 558, Boisdeffre ; Rennes, II, 159 et 168, Gonse. « J’écrivis de ma main sur la pièce : À conserver ; à ne pas envoyer ; ordre du Ministre ».
  4. Cass., I, 547, Billot.
  5. Ibid., II, 32, Du Paty.
  6. Ibid., 197, Gonse.
  7. Ibid., I, 558, Boisdeffre ; II, 191, Du Paty. — Gonse, à Rennes (II, 159), dépose qu’il dit à Henry et à Du Paty : « Il est indispensable que vous n’ayez aucune espèce de relations ni directes ni indirectes avec Esterhazy, il va être l’objet de plaintes, de dénonciations… » Et il ajoute cette phrase, qui suffit à le convaincre de mensonge : « Je ne sais pas si à ce moment la plainte de Mathieu Dreyfus était arrivée, mais c’était dans les environs et cela se sentait. »