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LA COLLUSION


ceau aucune preuve de l’innocence de son client ; mais son attitude, sa résolution, son calme sous l’orage, troublèrent son visiteur. Artiste, il pressentit un beau drame ; fils de l’Encyclopédie, une belle bataille contre un retour offensif du moyen âge. Cela lui suffit. Il continua à écarter l’idée que l’homme de l’île du Diable n’était qu’une victime. Mais il déclara, dans deux vigoureux articles[1], qu’il n’y avait qu’un moyen de délivrer le pays de ce cauchemar : la pleine lumière. « S’il y a des présomptions notables d’erreur, le procès doit être revisé. »

Cassagnac, de même, seul parmi les journalistes de droite, se prononça, et plus énergiquement encore, pour la revision. Il renouvela sa protestation contre l’usage des pièces secrètes : « Il y a un trou béant, noir, insondable dans ce jugement. Toute condamnation dans les ténèbres est un assassinat juridique. Vainement viendra-t-on arguer du secret d’État ; ce secret d’État serait une lâcheté… La pensée de l’innocence de Dreyfus m’a toujours hanté ; elle m’épouvante[2]. »

Quelques journaux républicains osèrent reproduire ce défi à « l’opinion prévenue et déchaînée ». Ce fut tout. Les socialistes gardèrent une attitude expectante.

XVI

Henry pensait toujours n’avoir rien fait tant qu’il lui restait quelque chose à faire.

Il combina alors, avec Esterhazy, l’un de ses coups les plus audacieux.

  1. Aurore des 2 et 8 novembre 1897.
  2. Autorité du 1er .