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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Un éloquent article de Lanessan, ancien député de Paris, qui rendait hommage à l’intrépidité civique de Scheurer[1], lui fit du bien. Il écrivit ce jour-là[2] : « J’ai derrière moi une longue vie qui n’a pas été tout à fait inutile. J’ai mangé d’abord mon pain blanc. J’accepte la dure vieillesse. Je ferai tout mon devoir. »

Monod[3], dans une lettre publique[4], racontait l’histoire de sa propre conviction : « Je puis me tromper, écrivait-il, je dirai même : je voudrais qu’on me démontrât que je me trompe, car j’échapperais ainsi à cette torture de penser que mon pays a condamné un innocent à une telle peine pour un tel crime. » Et il réfutait l’imbécile formule, devenue un argument quotidien, que la revision du procès serait une insulte à l’Armée : « Aucune honte ne saurait être attachée à une erreur consciencieusement commise et consciencieusement réparée. »

Cette lettre ayant valu à Monod de violentes injures, les élèves de l’École normale supérieure protestèrent : est-ce que la jeunesse allait se réveiller ?

XXIII

Scheurer s’occupait de saisir le garde des Sceaux d’une requête.

  1. Dans le Rappel.
  2. 6 novembre.
  3. Il avait écrit au mois de juillet à Alphonse Humbert, qu’il savait des amis d’Hanotaux, pour le prier d’agir sur le ministre. Humbert ne répondit pas, mais dénonça Monod comme le complice de Scheurer. (Éclair du 1er  novembre.) Monod revint de Rome pour adresser au Temps la lettre où il se prononçait pour la revision. (Cass., I, 459, Monod.)
  4. Temps du 6 novembre 1897,