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LA COLLUSION


de Billot. Esterhazy mit le tout sous double enveloppe, ferma de son sceau[1].

Le soir, vers minuit, le pli fut porté au cabinet du ministre par un des hommes d’Henry (Lemercier-Picard ?)

Billot l’eut le lendemain[2] ; et le bruit se répand aussitôt qu’Esterhazy a restitué le document libérateur. Gonse, puis Henry, le disent à Du Paty[3]. C’est Esterhazy lui-même, selon Henry, qui l’a rapporté : « L’huissier a très bien reconnu son signalement[4]. »

L’huissier ne connaissait Esterhazy ni de vue ni de nom.

  1. Le fait de la triple enveloppe est incontesté : la photographie dans la première enveloppe ; la lettre de restitution dans une seconde enveloppe qui inclut la première ; le tout dans une grande enveloppe en papier bulle, fermée à la cire noire par un cachet armorié. (Cass., I, 100, Roget ; I, 583, Esterhazy.) Roget dit que le cachet est celui d’Esterhazy, Du Paty (Cass., I, 452) dit qu’il ne connaît pas ces armes.
  2. Cass., I, 100, Roget.
  3. Instr. Tavernier, 21 juillet, Du Paty.
  4. C’est la version de Roget, qui la tient d’Henry : « Un individu, dont le signalement se rapporte à celui d’Esterhazy, est venu, vers 11 heures du soir, disant avoir une lettre très importante à remettre au ministre lui-même. » Cette lettre fut remise par le garçon de bureau de service à l’officier de service, le capitaine Nourrisson, qui la remit au général de Torcy. « Celui-ci, voyant qu’il s’agissait de l’affaire Esterhazy dont il ne s’était jamais occupé, replaça le tout dans une enveloppe qu’il ferma. » Il la rendit au capitaine Nourrisson, qui la remit le lendemain au ministre. (Cass., I, 100,) — « Comment, observe Du Paty, le capitaine Nourrisson a-t-il pu reconnaître la silhouette d’Esterhazy qu’il ne connaissait pas, dont les journaux n’avaient encore ni parlé ni publié le portrait ? » Selon Cuignet, Nourrisson a pris d’abord cette personne pour le général de Torcy. Du Paty insiste sur ce que, « si on a vu la personne entrer, personne ne l’a vue sortir par la porte de l’hôtel du ministre ». Et comment Nourrisson pouvait-il même savoir qu’il y avait une affaire Esterhazy ? Cet argument topique a échappé à Du Paty.