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APPENDICE


exemplaire de l’écriture d’Esterhazy, sans lui en indiquer la provenance. M. Bertillon déclara sans hésitation et immédiatement que cette écriture était celle du document Dreyfus ; il me pressa même de questions pour savoir d’où j’avais cet échantillon, trouvant, disait-il, « que les déguisements dont s’était servi Dreyfus étaient tellement bien rendus dans cette écriture qu’il fallait que la personne qui avait fait cela se fût livrée à des études toutes spéciales ».

Or, tous les échantillons d’écriture d’Esterhazy (et j’en ai recueilli d’époques très diverses) sont identiques.

Je rendis compte de ces faits d’abord au général de Boisdeffre, puis, avec son assentiment, au général Gonse, et enfin au ministre, général Billot. — Le général de Boisdeffre et le général Gonse, qui ont en somme fait faire, sous la direction du général Mercier, le procès Dreyfus, se sont montrés assez embarrassés. Le ministre a admis toutes mes preuves et m’a dit qu’au besoin il ferait mettre « le grappin » (sic) sur Esterhazy. En attendant, je devais continuer mes recherches. — Sur ces entrefaites, arriva la campagne de presse en faveur de Dreyfus et l’interpellation Castelin. Le général Boisdeffre vit le ministre et après leur conférence celui-ci parut tout retourné. Il me dit très ostensiblement (et je me permets de croire que ce n’était pas vrai) que, par sa police particulière, il avait des preuves de la culpabilité de Dreyfus, sans me dire lesquelles. — Le général Gonse me demanda avec une certaine anxiété si je croyais bien ce que me disait le ministre. Comme j’affirmais toujours que je m’en tenais aux preuves que j’avais recueillies, on me fit partir un jour en mission au 6e corps (le 16 novembre), puis on m’envoya au 7e, puis au 14e, au 15e. Enfin on m’affecta au 4e tirailleurs, tout ceci sans me laisser prendre haleine un instant et dans l’intention évidente d’éloigner du service des Renseignements quelqu’un qui venait de faire une découverte fâcheuse.

Or, toutes les preuves que j’ai eues en mains et qu’on m’a retirées quelques jours avant qu’on m’envoyât en soi-