Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
ESTERHAZY

En 1893, il y avait treize ans qu’Esterhazy, Henry et Weil avaient quitté, à quelques mois de distance, le bureau des Renseignements où ils s’étaient connus. Weil reçut son congé définitif en 1880[1]. Henry, promu capitaine en même temps qu’Esterhazy[2], fut envoyé d’abord aux zouaves, à Oran, puis au Tonkin. Âpre à la besogne et brave au feu, blessé dans la campagne du Sud-Oranais, il reçut la croix en 1884 et fut nommé, à son retour en France, major et commandant d’armes à Péronne[3]. Il y épousa, en 1892, la fille d’un aubergiste[4]. L’auberge était achalandée surtout de rouliers ; la jeune fille servait elle-même les clients de son père[5]. Henry, lui aussi sans fortune, fils d’un paysan, se serait adressé alors à Esterhazy pour constituer la dot réglementaire de sa fiancée[6]. Peu après son mariage, Miribel et Boisdeffre le firent, pour son malheur, rentrer au service des Renseignements, l’imposèrent à Sandherr[7].

Les relations d’Esterhazy et d’Henry, très intimes pendant leur commun séjour à l’État-Major, n’avaient pas cessé depuis[8]. Quand Henry passa au 2e zouaves, régiment où Esterhazy avait servi avant lui, ils corres-

  1. Cass., I, 310, Weil.
  2. 16 décembre 1879.
  3. Au 120e de ligne, en 1890,
  4. Bertincourt.
  5. Gaulois du 28 décembre 1898.
  6. Récit d’Esterhazy à un journaliste anglais.
  7. Rennes, II, 520, Cordier. — « Par décision ministérielle du 12 janvier, le commandant Henry, major au 120e régiment de ligne, est désigné pour être détaché à l’État-Major de l’armée. » (Journal officiel du 13 janvier 1893.) Le lieutenant-colonel Roget et le capitaine Cuignet furent nommés au 4e bureau, Roget le 19 janvier, Cuignet le 9 février.
  8. Cass., I, 580, Esterhazy ; 714, Grenier ; 709, lettre d’Esterhazy à Jules Roche.