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LA DÉCLARATION DE BULOW


D’autre part, quand Cavaignac avait parlé d’un document « contemporain », Billot avait laissé dire ; il y avait avantage à ce que cette erreur s’accréditât.

Les deux notes (par une autre habileté, mais révélatrice à elle seule de la fraude) ne faisaient aucune allusion à la visite de Du Paty à Dreyfus, au Cherche-Midi, le 31 décembre 1894[1]. — On se souvient que Du Paty, ce jour-là, au nom de Mercier, offrit à Dreyfus un traitement de faveur, s’il consentait à se reconnaître coupable d’amorçage. Précédemment, Boisdeffre, par Du Paty, lui avait fait savoir que Mercier le recevrait s’il voulait faire des aveux[2]. Et Dreyfus, après avoir décliné l’entretien avec le ministre, avait refusé également d’atténuer, par un mensonge, la faute qu’il n’avait pas commise. C’était cette conversation avec Du Paty qu’il avait racontée, dans une sorte de monologue haché, à Lebrun-Renaud. — Or, que l’incident soit divulgué, l’inanité de la légende des aveux apparaîtra aux yeux des hommes réfléchis (Gonse, Henry, leur croyaient cette logique et cette bonne foi), et rien ne reste qu’une preuve terrible du malaise de Mercier, même après la condamnation unanime, devenue définitive.

Il parut si important de faire le silence sur la visite de Du Paty à Dreyfus qu’on fit disparaître les témoignages écrits qui l’établissaient. C’étaient le rapport de Du Paty à Mercier, du soir même de sa visite ; la lettre de Dreyfus à Mercier, du lendemain de l’entrevue ; la lettre de Dreyfus où, de l’île du Diable, il rappelait à Du Paty ses promesses. Picquart n’avait rien su de ces documents. Le plus important, le rapport de Du Paty, Henry le détruisit.

  1. Voir t. I, 481 et suiv.
  2. Note du colonel Boucher. (Rennes, III, 514, Du Paty.)